vendredi 9 décembre 2011

Paul au parc (suite)

Je n'aurai pas besoin de m'acheter cette BD. Ma conjointe a été forcée de m'avouer qu'elle l'avait déjà fait quand je lui ai fait part de mon intention de l'acheter. J'attends donc Noël avec impatience. J'ai copié plus bas un article du journal Le Devoir dans lequel l'auteur parle de cet album. Ce que j'aime tout particulièrement, c'est tout le positif que l'auteur a retiré de son passage dans le mouvement scout et de l'influence que ses animateurs ont eu sur lui...C'est ce que l'on souhaite quand on anime cjhez les scouts...faire une différence dans la vie des jeunes.

(article tiré du journal Le Devoir)
À retenir
Paul au parcMichel RabagliatiLa PastèqueMontréal, 2011, 144 pages
Il ne faut jamais sous-estimer le pouvoir d'une plaque de marbre. Parlez-en à Paul, le personnage imaginé par le bédéiste Michel Rabagliati et qui, à 10 ans, a vu sa ligne de destin modifiée radicalement par la chose. Ça s'est passé dans un sous-sol d'église, à Montréal, lors d'une soirée de bingo et de chasse au trésor. Le lot était dissimulé derrière cette masse de roche métamorphique polie, comptoir de l'autel du curé, appuyé contre un mur. L'enfant s'y est suspendu. La dalle est tombée. La jambe a cassé, l'a empêché de monter dans une voiture... ce qui lui permet aujourd'hui de se retrouver au coeur de cette septième histoire, Paul au parc (La Pastèque). L'objet littéraire, brossé à l'identitaire et à l'émotion, se prépare à envahir les librairies au Québec et en France, dans quelques jours.Sur 144 pages, le lecteur — et surtout la lectrice — va renouer avec ces petits riens, y compris ceux qui font terriblement mal au tibia, qui, sous la plume de Rabagliati, finissent toujours par exposer une étonnante consistance, et ce, depuis l'apparition de Paul dans Paul à la campagne. C'était en 1999; le héros bédéesque national en formation y dévoilait alors des bribes de son enfance, une période délaissée dans la suite des choses et sur laquelle l'auteur a décidé de revenir ici. En profondeur et sur fond de Crise d'octobre, de scoutisme et de premier baiser... avec la belle Hélène.«Je voulais m'éloigner de Paul à Québec [le précédent opus, qui se passait en 2000], sortir du présent et arrêter de parler de la famille, de Lucie, de Rose, des autres», explique l'auteur, baigné par les rayons du soleil entrant par les grandes fenêtres de son atelier montréalais. Le Devoir l'a rencontré la semaine dernière. «Je suis donc retourné dans le passé pour voir ce que j'allais trouver d'autre.»La balade a été fructueuse, et Paul au parc en fait la démonstration avec cet autre voyage intimiste dans le quotidien d'un jeune Montréalais en quête de lui-même, au mitan de l'enfance. «C'est le journal d'un enfant, ni plus, ni moins, dit Rabagliati. La tranche de vie d'un petit gars curieux qui se cherche»... et qui forcément va finir par se trouver au contact du mouvement scout, coeur de cette aventure, de Gino, Rémi, Marc, Patrick, Joël, les gars de la sizaine de Paul — baptisés les Bruns —, et surtout de Daniel, Laurent, Jean-Claude et Raymond, les animateurs de ces rencontres socioéducatives qui, sans le savoir, ont façonné la courbe de vie d'un gamin qui rêvait de devenir bédéiste... et qui y est arrivé.«Paul au parc, c'est ma façon de raconter d'où je viens, mais aussi de montrer tout ce que j'ai appris au contact de ces adultes dévoués qui s'investissaient beaucoup dans ce mouvement, dit-il. La musique, la bande dessinée, la photo, c'est venu à moi par les animateurs scouts et surtout par leur encouragement, qui ont une autre valeur quand ils ne viennent pas de nos parents.»Nous sommes dans le Québec en tension et en mutation de la fin des années 1970. Pendant qu'un groupe de radicaux utopistes enlève un certain Pierre Laporte devant sa maison de banlieue, Paul est sur une balançoire avec sa première blonde. Le mouvement scout est animé par de jeunes adultes qui s'abreuvent à la littérature gauchiste réactionnaire, s'émeuvent devant le portrait du Che. Paul, lui, découvre la guitare, Hugues Aufrey — Dis-moi, Céline, oui —, La poupée qui dit non des Sultans, Simon & Garfunkel, et surtout le petit bouquin Comment on devient créateur de bande dessinée de Franquin et Gillain qui, déniché dans une bibliothèque, va, comme la dalle de marbre, tout changer.«C'est ce livre qui m'a donné envie de le faire», avoue Rabagliati dans un atelier qui croule sous les statuettes et autres pièces montées relatant les nombreux prix qu'il a remportés en carrière — il a reçu un Félix pour la pochette d'un album de Mes Aieux, le Prix du public d'Angoulême, quelques Bédélys... «Ce sont les animateurs scouts qui m'ont donné la confiance nécessaire pour aller jusqu'au bout. C'est un peu un hommage que je voulais leur rendre. Aujourd'hui, le scoutisme, c'est perçu comme une punition pour les enfants. C'est quétaine. Mais dans les années 70, c'était très populaire. Et aussi déterminant pour les enfants qui prenaient part à ce mouvement, comme moi.»Dans ce cadre narratif, le créateur d'émotion par la ligne claire excelle une fois de plus dans l'art du détail et de l'anecdote magnifiés pour en dire beaucoup avec très peu: un graffiti sur un mur résume le contexte politique du moment, une télé couleur entrant dans une maison vient éclairer la modernité de l'époque, un livre «réac» posé sur une table à café vient définir des animateurs scouts qui commencent alors à être un peu plus légers avec les règles et contraintes du mouvement fondé par Baden Powell.«Le Québec était en train de devenir moderne. Nous étions en train d'écrire cette histoire, dit Rabagliati. Et puis, il y avait le FLQ, sur lequel je n'ai pas voulu peser, pour montrer simplement comment un enfant a vécu tout ça.» Drôle: il pensait que ce groupe terroriste était «des gens super-organisés qui avaient des repères ultramodernes, comme dans Les Sentinelles de l'air». La fiction, surtout quand elle est façonnée par le cerveau d'un enfant, arrive toujours à rendre moins pathétique la réalité. De cette période, visiblement marquante pour le créateur d'histoires en cases, Rabagliati vient aussi dévoiler des bribes de sa vie en famille — il ne peut jamais s'en tenir trop loin —, dans un appartement collé à celui de sa grand-mère et de sa grand-tante, deux Parisiennes au caractère fort qui n'ont pas toujours rendu la vie simple à sa mère. «Petit, j'étais content d'avoir ma grand-mère en face qui me faisait venir chez elle pour me donner du nougat, dit-il. Mais pour ma mère, c'était l'enfer. Elle en a bavé à cause de ça et c'est une réalité que j'avais envie de revisiter dans cet album.»Avec ces cases qui rappellent un peu l'univers estival de Paul a un travail d'été — l'action s'y passait dans un camp de vacances à l'adolescence de Paul —, une ambiance générale qui se rapproche de Paul à la campagne, Paul au parc est finalement le premier volume qui, dans son ensemble, place le personnage au coeur de ses racines, de son enfance, de son passé et, du coup, face à son destin. Il le met aussi au pied d'une dalle de marbre que les aficionados de ce Paul risquent forcément de remercier, pour tout ce qu'elle a fait de bien pour lui... et pour eux.

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